Nouveau Code des investissements au Sénégal : Analyse comparative et implications pour les investisseurs
- Elhadji Falilou Fall

- 20 sept.
- 4 min de lecture

1 — Rappel des innovations clés du Code sénégalais 2025
Guichet unique dématérialisé : procédures simplifiées et numériques pour l’agrément et le suivi.
Délais raccourcis : traitement des dossiers en moins de 10 jours ouvrables.
Stabilité des incitations : durées garanties (ex. : 3 ans pour Dakar/Thiès, 5 ans pour autres régions).
Nouveaux régimes ciblés : Investissements Stratégiques ; Investissements Socialement Responsables (ISR).
Garanties renforcées : transferts de capitaux, convertibilité, accès matières premières, mécanismes de prévention et résolution des différends.
Objectifs transversaux : contenu local, création d’emplois, territorialisation des projets, durabilité environnementale.
2 — Points de comparaison (lecture pratique pour investisseurs et décideurs)
A. Digitalisation & délais de traitement
Sénégal (2025) : guichet unique dématérialisé + délai ≤ 10 jours.
Tendance régionale (Maroc / Côte d’Ivoire / Rwanda) : forte adoption d’un guichet « one-stop shop » (physique + digital) ; le Rwanda est souvent cité pour la rapidité administrative et la clarté des procédures ; le Maroc et la Côte d’Ivoire ont aussi modernisé leurs plateformes et offres d’accompagnement. Conséquence pratique : la dématérialisation et les délais contraints améliorent l’attractivité — à condition d’assurer robustesse technique, interopérabilité des services et formation des opérateurs.
B. Incitations fiscales & durées garanties
Sénégal : incitations forfaitaires et durées différenciées selon zones (visibilité 3–5 ans).
Autres modèles : régimes similaires existent (exonérations temporaires, bonus territoriaux, régimes pour zones économiques spéciales). Le Rwanda combine incitations fiscales et facilités foncières ; la Côte d’Ivoire articule avantages via son agence de promotion (CEPICI) et régimes sectoriels ; le Maroc propose des régimes attractifs pour l’export et les centres d’investissement. Conséquence pratique : la clarté et la prévisibilité des régimes renforcent les décisions d’investissement ; leur calibration doit éviter les déperditions budgétaires et les distorsions entre régions.
C. Contenu local, emploi et durabilité
Sénégal : clause explicite pour contenu local, création d’emplois et ISR.
Tendance régionale : montée en puissance des exigences de contenu local (notamment pour secteurs extractifs, agro-industrie, énergie) ; gouvernance par clauses contractuelles et mesures d’accompagnement (formation, transferts technologiques).Conséquence pratique : bien conçues, ces mesures créent valeur locale ; mal calibrées, elles peuvent décourager les investisseurs si les coûts ou les conditions d’accès au local content sont trop contraignants.
D. Garanties et sûretés juridiques
Sénégal : protection affichée (transferts, convertibilité, arbitrage) — leviers importants pour attirer capitaux.
Comparaison : les cadres « pro-investissement » performants associent garanties contractuelles, mécanismes d’arbitrage international et dispositifs anti-expropriation. Le Rwanda et le Maroc ont développé des garanties attractives ; la Côte d’Ivoire mise sur la facilitation via CEPICI. Conséquence pratique : crédibilité juridique (application effective des garanties) et transparence des procédures sont les déterminants clefs de l’afflux d’investissements privés.
3 — Atouts du Code sénégalais 2025
Modernisation opérationnelle : délai légal bref et guichet numérique améliorent la compétitivité administrative.
Ciblage stratégique : régimes ISR et Investissements Stratégiques pour orienter le capital vers priorités nationales (PRES / Vision 2050).
Territorialisation : mesures incitatives différenciées encouragent la délocalisation productive vers l’intérieur.
Message politique fort : stabilité et garanties renforcées, signal positif aux investisseurs internationaux.
4 — Risques et points d’attention
Capacité administrative : succès dépendra de la montée en charge technique (plateforme), des effectifs et de la formation des guichets régionaux.
Coût budgétaire des exonérations : équilibre à trouver entre attractivité et soutenabilité fiscale — nécessité d’outils d’évaluation ex ante et d’une clause de revue automatique.
Application effective des garanties : crédibilité dépendra d’un environnement judiciaire efficace et d’une politique anti-corruption visible.
Harmonisation régionale : risques de distorsion compétitive vis-à-vis des voisins si les régimes divergent fortement ; opportunité d’alignement avec normes UEMOA/Cedeao.
Contenu local : exigence de capacités locales (filières, sous-traitance, logistique) ; prévoir accompagnement technique et financement des PME locales.
5 — Recommandations opérationnelles (pour l’État)
Rendre le guichet unique « réellement opérationnel » : tests, SLA, interconnexion fiscale et foncière, assistance live pour investisseurs.
Mettre en place un observatoire d’impact budgétaire : suivi trimestriel des coûts des incitations et des recettes additionnelles.
Conditionner certains bénéfices au respect d’objectifs clairs : création d’emplois, transferts technologiques, calendrier d’exécution.
Renforcer la justice commerciale et l’arbitrage : labelliser des clauses d’arbitrage reconnues et renforcer les tribunaux spécialisés.
Pack d’accompagnement pour PME locales : incubation industrielle, accès au financement, programmes de formation en partenariat public-privé.
6 — Conseils pratiques pour investisseurs
Vérifier la mise en œuvre effective : demander preuve d’opérationnalité du guichet, délais moyens constatés et contacts régionaux.
Négocier des garanties contractuelles : prévoir clauses claires sur transferts, protection contre les changements fiscaux rétroactifs, mécanismes d’arbitrage.
Plan contenu local dès l’étude de faisabilité : cartographier fournisseurs locaux, besoins de capacité et coûts d’intégration.
Anticiper conformité administrative : maps foncières, permis, normes environnementales — se rapprocher d’APIX/équivalent et d’un conseil local.
7 — Conclusion — un cadre prometteur mais dépendant de l’exécution
Le Code des investissements 2025 place le Sénégal sur une trajectoire moderne et compétitive : guichet numérique, délais contraints, incitations ciblées et garanties sont des atouts réels. Néanmoins, la performance de ce dispositif dépendra largement de l’exécution technique et institutionnelle : robustesse du guichet unique, contrôle budgétaire des exonérations, capacités de mise en œuvre du contenu local, et assurance d’un environnement juridique stable et prévisible.




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